Améliorer la productivité des riziculteurs et des transformateurs sénégalais grâce aux technologies solaires d’irrigation et de transformation du riz est un objectif clé d’Energy 4 Impact et du programme Eau et Energie pour l’Alimentation (PEEPA) de la GIZ. En établissant un écosystème d’acteurs des secteurs privé et public, ce projet de 15 mois démontrera la viabilité des modèles commerciaux et financiers qui peuvent soutenir la croissance du secteur du riz paddy, améliorer les moyens de subsistance des petits exploitants et la sécurité alimentaire du pays.
Bien que le Sénégal soit l’un des plus grands consommateurs de riz en Afrique de l’Ouest, il dépend des marchés internationaux pour importer 60 % de sa consommation annuelle de riz. La production locale de riz se caractérise par des systèmes de petite agriculture non modernisés qui produisent un riz de faible qualité et génèrent de faibles profits pour les agriculteurs qui dépensent environ 73% de leur chiffre d’affaires en intrants (semences, engrais et herbicides) et en irrigation (carburant et entretien des pompes diesel).
L’une des principales priorités du Sénégal est d’améliorer sa sécurité alimentaire et de devenir autosuffisant en matière de production de riz. Cet objectif peut être atteint en augmentant la quantité et la qualité de la production et en réduisant les pertes. La modernisation du secteur du riz par l’introduction de technologies solaires et de pratiques agronomiques améliorées pourrait changer la donne pour les zones de riziculture à fort potentiel du pays, comme celle située le long de la vallée du fleuve Sénégal.
Une étude préliminaire de la filière riz paddy dans les régions rizicoles du Sénégal a permis à Energy 4 Impact d’identifier les besoins des agriculteurs et des transformateurs. En examinant leur accès à l’eau, au matériel agricole, aux intrants, au financement, au marché et aux compétences, elle a pu formuler des solutions adaptées.
Le GIE Jeuf-Jeul est une coopérative de 160 femmes impliquées dans la production de riz dans la ville de Ross Béthio, dans la vallée du fleuve Sénégal. Pour cultiver sa rizière de 18 ha, le groupe dépense 540 000 F CFA par cycle de production (3-4 mois) pour louer une pompe à eau à moteur diesel et 1 505 500 F CFA pour le carburant.
« Nous devons normalement faire face à des charges de plus de 2 millions de francs rien que pour la location du matériel et le carburant, un chiffre qui n’inclut pas les frais de transport ou le coût de l’entretien et de la maintenance du matériel, ce qui représente facilement un supplément de 100 000 FCFA par saison. Aller acheter du carburant prend aussi du temps, ce qui diminue aussi notre productivité », explique Ndeye Gaye, président du GIE Jeuf-Jeul.
La faible rentabilité est un énorme facteur de démotivation pour de nombreux petits producteurs de riz qui ont progressivement abandonné leurs rizières. Avec une moyenne de 9,8 heures d’ensoleillement par jour, les systèmes d’irrigation solaire à petite échelle sont une solution idéale pour les coopératives telles que le GIE Jeuf-Jeul qui travaillent sur des rizières de 5 à 20 ha et doivent réduire les coûts de carburant et de maintenance.
De même, la plupart des opérations commerciales de transformation du riz, qui consistent à enlever les coques et le son des grains de paddy pour produire du riz poli, sont réalisées par de petites entreprises utilisant de vieux équipements à moteur diesel. Sujettes à de fréquentes pannes, ces installations nécessitent beaucoup d’entretien et constituent une menace constante pour la rentabilité de leur activité. L’introduction et l’adoption des technologies modernes fonctionnant à l’énergie solaire peuvent améliorer significativement la qualité et les performances techniques du processus de décorticage, de séchage et de conditionnement.
Des solutions solaires telles que les séchoirs, décortiqueuses, les batteuses de céréales, les pompes solaires et les moulins solaires existent déjà au Sénégal mais elles n’ont pas été testées dans la chaîne de valeur du riz et leur adoption par les petits transformateurs reste faible.
Le GIE Sope Nabi est une autre coopérative gérée par des femmes, engagée dans la production, le décorticage et la vente de riz à Gandiaye dans la vallée du fleuve Sénégal. La coopérative fournit des services de décorticage aux villages voisins. Lorsque Energy 4 Impact les a rencontrées, leur activité de décorticage était au point mort en raison du dysfonctionnement du moteur diesel. Ils sont maintenant en train d’acquérir un système de décorticage à l’énergie solaire qui répond à leurs besoins.
Anna Diop, responsable du GIE, explique : « Nous subissons très souvent des pannes de notre unité de décorticage, ou parfois nous tombions en panne de carburant au milieu du cycle de décorticage. Cela a longtemps freiné le développement de notre coopérative. L’acquisition d’une décortiqueuse solaire sera l’occasion de relancer notre activité et de rendre notre GIE rentable« .
Le niveau actuel d’adoption des technologies solaires dans la chaîne de valeur du riz au Sénégal est faible. Cela est dû par plusieurs facteurs, notamment le coût initial d’acquisition élevé des technologies, le manque de produits et de mécanismes de financement spécialisés, et la connaissance limitée des avantages et de la rentabilité de ces technologies modernes parmi les producteurs et les transformateurs de riz.
Malgré l’exonération fiscale sur les équipements solaires (panneaux solaires, onduleur, régulateur, pompe) introduite par le gouvernement depuis mai 2020, les technologies solaires restent hors de portée des petits agriculteurs, qui ne sont pas en mesure de réunir les fonds nécessaires sans un certain soutien financier. Dans le même temps, la sensibilisation aux avantages et à la rentabilité à long terme de ces technologies est très faible. Peu d’agriculteurs savent par exemple que les systèmes d’irrigation à l’énergie solaire peuvent réduire les coûts d’exploitation de 40 à 50 % par hectare et augmenter le revenu des agriculteurs d’au moins 15 % par hectare.
Dans cette optique, Energy 4 Impact a organisé des événements de sensibilisation dans certaines des principales zones de production de riz du pays afin de fournir des informations détaillées sur les avantages des technologies solaires, les équipements disponibles et les mécanismes financiers. Au cours des mois d’avril et de mai 2021, environ 130 représentants de coopératives de riziculture et de transformation du riz ont participé à ces événements et beaucoup d’autres ont été touchés par la radio, la presse et les campagnes de médias sociaux.
Ces événements sont également l’occasion d’établir des liens entre les fournisseurs de technologies solaires, les institutions de micro-finance et les clients potentiels. En fait, Energy 4 Impact travaille en parallèle avec plusieurs institutions financières qui fournissent traditionnellement des crédits aux agriculteurs pour des intrants tels que les semences et les engrais, afin de diversifier leur offre de crédit pour y inclure des facilités de crédit pour les produits solaires.
« Parallèlement, nous étudions la possibilité de collaborer avec les fournisseurs d’équipements de transformation pour développer des facilités de crédit fournisseurs, qui permettraient aux agriculteurs de rembourser les équipements sur plusieurs mois, en fonction de leurs cycles de production », explique Abdoulaye Dieng, responsable de l’accès au financement d’Energy 4 Impact.
« Nos expériences passées ont montré que les petits entrepreneurs et les agriculteurs hors réseau, considérés comme un risque de crédit élevé par la plupart des institutions financières, peuvent réussir à rembourser leurs prêts et améliorer leurs rendements avec une assistance technique et de gestion », dit Abdoulaye Dieng.
En collaboration avec les services du Ministère de l’Agriculture en l’occurrence les Directions Régionales de Développement Rural (DRD) et la Société de Développement Agricole et Industriel du Sénégal (SODAGRI), 30 petits agriculteurs ont déjà été identifiés et reçoivent un soutien pour acquérir des systèmes de pompage solaire adaptés à des surfaces variant de 3 à 5 ha, et des décortiqueuses solaires d’une capacité de production d’une tonne par jour.
Les riziculteurs et les transformateurs sélectionnés sont également formés à la gestion des affaires et de la trésorerie, à l’entretien des équipements, à l’agronomie et aux pratiques horticoles durables, ainsi qu’à une gestion post-récolte efficace. Un suivi continu permettra à Energy 4 Impact de recueillir des données économiques et techniques, d’évaluer la faisabilité et la viabilité du modèle et d’affiner le type et le niveau de soutien apporté aux agriculteurs.