L’adoption d’une décortiqueuse solaire donne un nouvel élan aux activités d’une petite coopérative de riziculteurs à Koudi, dans l’est du Sénégal. Elle leur permet de remplacer la pratique inefficace consistant à séparer la balle du grain à la main par un processus automatisé, leur donnant ainsi la possibilité d’aller au-delà de la production de subsistance. Entièrement subventionnée par le Programme Eau et Energie pour l’Alimentation (PEEPA / WE4F), la décortiqueuse est l’un des deux systèmes déployés au Sénégal pour démontrer la viabilité technique et financière de la technologie solaire auprès des petits producteurs de riz, dans le but d’améliorer l’efficacité de la transformation du riz et donc la sécurité alimentaire et la résilience des communautés locales.
Comme pour beaucoup d’autres petits producteurs de riz au Sénégal, la transformation du riz paddy a toujours été un défi pour le GIE Koudi Djiké, une coopérative de 25 petits producteurs de riz dont 18 femmes et 7 hommes basée à Koudi. Localité située à 20 kilomètres de la ville de Goudiry à Tambacounda, Koudi occupe une position stratégique car elle se trouve à l’intersection d’une trentaine de villages regroupant environ 2000 producteurs qui pratiquent la riziculture d’hiver. Pour ces producteurs, le riz est la principale culture de subsistance et est cultivé uniquement pour la consommation des ménages, ce qui n’est possible que pendant la saison des pluies en raison de l’absence de ressources en eau pérennes.
L’absence d’unités de transformation locales entraîne des difficultés logistiques et des dépenses importantes. Cela signifie que les producteurs locaux doivent parcourir 100 km depuis Koudi pour décortiquer leur riz paddy dans les deux seules décortiqueuses disponibles situées à Koulor et Bala. Pour transporter et décortiquer une tonne de riz paddy, un producteur dépense généralement plus de 50 000 francs FCFA soit 76,224 euros en frais de transports, sans compter la nourriture. En cas de pénurie de carburant ou une défaillance du système dans l’installation, le processus de décorticage s’interrompt pendant quelques jours, laissant les producteurs dans l’embarras. Peu de producteurs peuvent se permettre ce coût et ces tracas, ils ont donc recours au décorticage manuel – une activité lente et à forte intensité de main-d’œuvre, souvent effectuée par des femmes. Il faut généralement une demi-journée pour piler un sac de 100 kg de riz paddy et obtenir environ 40 kg de riz décortiqué.
Cette difficulté a conduit les agriculteurs de la région à négliger la culture du riz. Elle a également mis en évidence le potentiel de développement du secteur grâce à des pratiques et des technologies innovantes.
Au cours des 12 derniers mois, Energy 4 Impact s’est associé à SODAGRI pour identifier les communautés de riziculteurs au potentiel sous-exploité et leur fournir ainsi un soutien technique et des conseils agronomiques.
« En raison de l’absence d’unité de transformation du riz, nos producteurs sont contraints de décortiquer petit à petit leur riz paddy et de stocker le reste du riz non transformé à la maison pendant une période pouvant aller jusqu’à deux ans. L’acquisition de l’équipement solaire qui est une première dans la région, permettra aux populations de Koudi et de ses environs de faire transformer leur riz paddy sur place« , a déclaré Madame Ba, agent technique de la SODAGRI à Goudiry, la Société de développement agricole et industriel du Sénégal.
Le GIE Koudi Djiké a été sélectionné en juillet dernier pour gérer la nouvelle unité de transformation du riz installée dans le village de Koudi grâce au programme PEEPA / WE4F. La coopérative a pu produire deux tonnes de riz paddy l’année dernière, qui attendent toujours d’être décortiquées. Pour eux, la nouvelle décortiqueuse solaire représente une réduction considérable du coût du décorticage, du travail manuel et du temps de stockage du riz paddy. Mais surtout, cela signifie qu’ils peuvent développer un flux de revenus grâce à un service de traitement de pointe et en faire profiter d’autres riziculteurs locaux.
Les décortiqueuses solaires sont une nouveauté dans le secteur de la transformation du riz au Sénégal et leur marché est inexploité, voire inexistant, dans les zones rurales reculées du pays. En outre, le coût de la technologie 4 320 000 F CFA soit 6 590 euros est trop élevé pour les petits producteurs et les acteurs des secteurs public et privé sont peu conscients de son potentiel pour développer le secteur.
« Ces deux pilotes vont nous permettre de démontrer comment la technologie solaire peut transformer radicalement la chaîne de valeur de la filière riz paddy dans les régions de Saint Louis et de Tambacounda. Ils permettront également à Energy 4 Impact de concevoir des modèles d’affaires viables et bancables pour plaider en faveur de leur adoption auprès des décideurs, encourageant ainsi le secteur privé, en particulier les fournisseurs de technologies solaires et les institutions financières, à accroître leurs investissements dans le secteur du riz paddy« , déclare Bayo Thiam, chef de projet, Energy 4 Impact.
La décortiqueuse solaire de Koudi a une capacité de traitement d’une tonne par jour. Sur la base de l’estimation du rendement total en paddy des communautés agricoles environnantes, la coopérative du GIE Koudi Djiké pourrait traiter 18 tonnes de riz paddy par mois. Cela pourrait rapporter à la coopérative 171 000 francs CFA soit 260,68 € par mois. Sur la base de ces calculs, une coopérative typique pourrait voir un retour sur investissement après 3 à 4 ans d’activité.
Sans expérience technique, marketing et commerciale préalable, le GIE Koudi Djiké a beaucoup à apprendre. Energy 4 Impact apporte un soutien et des conseils d’experts aux dirigeants de la coopérative sur l’utilisation de l’unité de transformation tout en renforçant leurs compétences entrepreneuriales, notamment en matière de gestion financière et commerciale.
« Grâce aux formations dispensées par SODAGRI et l’équipe d’Energy 4 Impact, notre coopérative est mieux équipée pour saisir cette opportunité sans précédent. En mécanisant le processus de décorticage, nous pouvons générer des revenus supplémentaires et fournir un service vital à la communauté de Koudi« , a déclaré Madame Thiam Sissoko, présidente du GIE Koudi Djiké.