Le GIE Kénié-Kéniéba, un groupement de producteurs de riz du village de Gouloumbou dans la région de Tambacounda, au centre du Sénégal, est en passe de devenir le principal multiplicateur et fournisseur de deux variétés supérieures de semences de riz dans la zone. L’une de ces variétés est adaptée aux zones pluviales des bas-fonds, tandis que l’autre convient aux sols bien drainés du plateau. Ces variétés se sont avérées plus résistantes au stress, nécessitant moins d’intrants tels que des engrais et de l’eau, tout en produisant des rendements plus élevés. La vulgarisation de ces variétés offre aux petits exploitants agricoles de nouvelles possibilités d’accroître leur production et de contribuer à la sécurité alimentaire globale de la région.
Le groupement a été créé par Mamadou Lamine Diallo et Mahamadou Aïdara, qui, après avoir passé plus de dix ans en Espagne à soutenir les migrants sénégalais, ont décidé de revenir à Gouloumbou pour promouvoir le développement économique de la région et créer des opportunités d’emploi pour les jeunes et les femmes dans le secteur agricole. Créé en 2006, le GIE Kenie Kenieba compte aujourd’hui 24 membres, dont 10 hommes et 14 femmes et possède 50 hectares de terres. Actuellement, 15 hectares sont utilisés pour leur activité horticole, le reste des terres restant inexploité en raison de contraintes financières et techniques.
Comme de nombreux autres agriculteurs de la région, le GIE Kenie Kenieba avait l’habitude de cultiver du riz dans les bas-fonds, le long du fleuve Gambie, pendant la saison des pluies, lorsque les vallées se remplissent d’eau. Mais ils ont arrêté en 2015 après avoir perdu 15 hectares de riz cultivé suite à une importante inondation. Les inondations de plus en plus fréquentes et les périodes de sécheresse plus étendues liées aux changements climatiques, associées à une pénurie chronique de semences de qualité, ont constitué des obstacles majeurs au développement du secteur du riz dans la région. Comme le GIE Kenie Kenieba, de nombreux autres riziculteurs de la région ont abandonné la riziculture de bas-fond pour se convertir à la culture du maraicher sur le plateau.
Cependant, le GIE s’est maintenant tourné vers la riziculture de plateau irriguée et la multiplication des semences, qu’il considère comme une opportunité de développer son activité d’une manière qui profite aux communautés environnantes.
« Des semences de qualité peuvent faire la différence entre une bonne et une mauvaise récolte, en particulier pour les agriculteurs pauvres qui n’ont souvent pas accès aux intrants agricoles essentiels tels que les engrais, les équipements agricoles mécanisés et les pesticides. Cependant, les semences de bonne qualité ont longtemps été difficiles à trouver dans cette région« , explique Mamadou Lamine Diallo.
Dans un effort pour améliorer la disponibilité de semences de qualité dans la région de Tambacounda, le GIE Kenie Kenieba se lance dans la multiplication et la distribution des variétés de riz de plateau, comme ISRIZ 15 et NERICA. Leur plan est de créer une banque de semences gérée par la communauté pour garantir les normes de qualité et atteindre le niveau de certification de ces variétés.
Outre un rendement trois fois supérieur à celui des autres espèces africaines conventionnelles, la variété NERICA pousse plus rapidement, arrivant à maturité entre 70-90 jours, contre 120 jours pour la variété de bas-fond disponible localement, ce qui permet aux agriculteurs de faire deux récoltes par an. La présence du fleuve Gambie signifie également que l’eau est disponible pour l’irrigation tout au long de l’année. L’ISRIZ 15 est une autre variété à haut rendement adaptée aux zones pluviales de plaine : le rendement est estimé à 13 tonnes par hectare, soit près du double de la récolte de la variété locale SAHEL. Elle se distingue également par la qualité de ses grains, tant en termes de goût que de durabilité.
En mettant ces variétés de riz génétiquement modifiées à la disposition des agriculteurs de Gouloumbou, ceux-ci auront plus de chance de s’adapter aux pluies imprévisibles et pourront cultiver du riz même en dehors de la saison des pluies, pendant la « période de soudure », en attendant la récolte d’autres cultures.
Le GIE Kenie Kénieba est déjà équipé d’un kit de pompage solaire d’une capacité de 80 m3/heure qu’il utilise pour le maraichage. Cette pompe solaire ne pouvant satisfaire à elle seule les besoins en eau de l’ensemble des cultures, il était jusqu’à présent nécessaire de la renforcer avec une motopompe diesel. Grâce à sa collaboration avec Energy 4 Impact et le programme Water and Energy 4 Food, le groupement a récemment acquis un deuxième système d’irrigation solaire de 60m3/heure, qui accélérera la transition prévue vers des sources d’énergie propres.
Cette deuxième pompe soutient la production de semences des nouvelles variétés de riz, obtenues par l’intermédiaire de l’Agence sénégalaise pour le développement agricole et industriel (SODAGRI) et de l’Institut sénégalais de recherche agricole (ISRA), sur deux hectares de leurs terres. Une fois les semences certifiées par la Direction régionale du développement rural, le groupement deviendra un important centre local de propagation des semences ISRIZ et NERICA dans la région.
Si les membres du GIE Kenie Kenieba ont plus de 15 ans d’expérience dans la production de riz de bas-fond pluvial, ils n’ont jamais cultivé les variétés irriguées de plateau. Aujourd’hui, le groupement profite à la fois des technologies solaires et des nouvelles compétences agronomiques, acquises grâce à l‘appui technique de Energy 4 Impact, pour maîtriser la culture du riz irrigué et développer un nouveau modèle commercial afin de devenir le distributeur de choix des semences ISRIZ et NERICA.
Mamadou Lamine Diallo du GIE Kenie Kenieba commente : Le changement climatique a fait de l’agriculture une entreprise de plus en plus risquée, car les modèles météorologiques imprévisibles peuvent laisser même les agriculteurs expérimentés incapables de planifier correctement les plantations et les récoltes. Les jeunes ont perdu tout intérêt pour l’agriculture et partent à la recherche de meilleures opportunités dans les villes. Nous voulons leur montrer qu’avec les bonnes connaissances, la technologie, les investissements et l’innovation, l’agriculture peut être une source d’emploi et une entreprise rentable qui peut non seulement nourrir tout le pays, mais aussi lui permettre de devenir autonome.